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I
Technique de l'estampe japonaise
L'estampe
japonaise est toujours réalisée à partir de blocs
de bois gravés.
La technique de l'estampe japonaise s'appelle donc " gravure sur
bois " ou " xylographie ".
Un processus en 4 étapes
La réalisation d'une estampe japonaise nécessite l'union
de 4 talents :
Celui du dessinateur : au temps de l'estampe traditionnelle, il
trace un dessin au trait noir sur papier blanc et donne seulement des
indications de couleur à l'imprimeur.
Au 20ème siècle, il peint une aquarelle. Puis il la
donne au graveur et à l'imprimeur. Mais c'est le nom du dessinateur
que l'histoire de l'art retient (ex : Utamaro, Hokusai, Hiroshige...).
Celui du graveur : il grave, sculpte plutôt, les blocs de
bois, un bois par couleur et un supplémentaire pour le trait de
contour.
Celui de l'imprimeur : il applique les couleurs sur les blocs et
applique le papier successivement sur chaque bloc. C'est lui qui réalise
les dégradés de couleurs particulièrement virtuoses
dans l'estampe Shin hanga. On les appelle les "bokashi".
Celui de l'éditeur : il est le "chef d'orchestre".
Il découvre les dessinateurs, graveurs, imprimeurs de talent, les
met sous contrat et les réunit pour produire une oeuvre
gravée. Son nom nous est connu seulement quand il
s'agit de pièces de grands dessinateurs
(ex : Tsutaya,
éditeur d'Utamaro).
A
l'heure actuelle, le procédé de réalisation de
l'estampe est resté artisanal, tel que décrit
ci-dessus.
Mais le 20ème siècle a vu la naissance d'un courant où
l'artiste dessinateur grave et imprime lui-même ses estampes.
Ce courant s'appelle le Sosaku-Hanga ("Gravure créative").
II
Du 17ème au 20ème siècle : trois générations
d'artistes
A) 1ère
génération de l'estampe japonaise : pendant la période
EDO (1600 - 1868)
Utamaro,
Hokusai, Hiroshige : les étoiles de l'estampe Ukiyo-e
EDO est le nom de la capitale du Japon, actuelle
Tokyo. Le gouvernement féodal des shogun de la
famille Tokugawa y est installé. Il pratique à partir de
1640 une politique de fermeture totale du pays. La loi
interdit aux japonais de quitter le pays sous peine de mort et interdit
aux étrangers d'y entrer.
Pendant cette période, deux types d'uvres graphiques
cohabitent et s'opposent :
- la peinture traditionnelle poétique, héroïque
ou religieuse appréciée par l'aristocratie;
- l'estampe, art de feuilles volantes, considérée
comme vulgaire et dont raffole la bourgeoisie commerçante.
L'estampe représente des scènes de la vie quotidienne du
quartier des plaisirs de Tokyo : portraits de geisha, portraits
de courtisanes et de comédiens chez Utamaro et Sharaku.
Puis elle s'attache aux paysages avec Hokusai et Hiroshige.
(NB : GEI "art" et SHA "personne" ou "pratiquant".
On peut traduire "geisha" par "personne qui pratique les
arts")
"Ukiyo-e" ou " image du monde flottant "
est le nom que prend l'estampe pendant cette période. On considère
en général que l'âge d'or de l'estampe Ukiyo-e
est la période comprise entre 1760 et 1810.
B)
2ème génération de l'estampe japonaise : sous l'ère
Meiji (1868- 1912)
L'estampe
Ukiyo-e évolue avec l'ouverture du Japon au monde occidental.
Le Japon s'ouvre après 2 siècles de fermeture totale,
contraint et forcé par les américains.
Les États-Unis envoient une flotte armée en 1853 et 1854
pour obliger le shogun à abandonner sa politique de fermeture.
Le pays s'ouvre aux étrangers avec la signature de traités
de commerce.
Il s'en suit l'extraordinaire révolution Meiji, unique en Asie.
Le Japon bâtit un Etat fort et s'occidentalise pour ne pas être
absorbé par l'occident. "Nous avons le choix entre être
à la table des grands ou faire partie du menu "
dit un homme politique japonais de cette époque.
L'estampe évolue et s'occidentalise aussi. On lui donne le nom
d'estampe Meiji.
Kiyochika
Kobayashi (1847-1915) est l'un des artistes qui incarne le mieux cette
époque. Il a étudié la photographie et la peinture
à l'huile. Il mélange les techniques de représentation
occidentales avec celles de l'ukiyo-e.
Puis avec l'occidentalisation frénétique du Japon à
partir des années 1870, l'estampe traditionnelle japonaise
Ukiyo-e se démode. La concurrence de la photographie
la rend désuète. La génération des grands
dessinateurs n'est pas renouvelée.
C)
3ème génération de l'estampe japonaise : le style
SHIN HANGA ("Nouvelles gravures") 1910-1960
L'estampe
du 20ème siècle : un art renouvelé
Après la révolution Meiji, les japonais n'ont d'yeux que
pour ce qui vient d'occident. L'estampe n'a aucune chance face à
l'usage de la photographie en plein développement. Les temps
deviennent difficiles pour les artistes dessinateurs dès la fin
du 19ème siècle.
Un jeune éditeur
initie la nouvelle estampe
Vers 1905, un jeune homme de 20 ans, Shozaburo Watanabe
a une idée de génie.
D'abord il constate l'existence d'une demande importante aux U.S.A.
et en Europe pour l'estampe japonaise.
Dans le même temps il se rend compte que des artistes et
des artisans virtuoses gâchent leur talent ou meurent
de faim.
Son idée est la suivante : pourquoi ne pas essayer de créer
un nouveau style d'images japonaises pour satisfaire la demande
? Il décide alors de devenir éditeur et marchand de "nouvelles
estampes".
Il va recruter des artistes et des artisans (graveurs et imprimeurs)
et les faire travailler selon sa ligne artistique.
Les thèmes qu'il favorise sont ceux de l'Ukiyo-e mais les
estampes sont dessinées avec une sensibilité moderne
d'esprit occidental.
Il a fait du marketing avant l'heure car :
-
bien qu'il n'ait jamais quitté le Japon de toute sa vie, il sait
ce qui peut plaire aux collectionneurs américains et européens;
-
les estampes dont il initie la création sont dessinées en
fonction de ce que désire recevoir le marché : une vision
romantique du Japon qui a cessé d'exister à la fin
de la période EDO en 1868 et qui fait rêver les étrangers.
Watanabe utilisera le terme de "Shin hanga" ("Nouvelle
Gravure") en 1921 afin de mettre l'accent sur le renouvellement
de style que proposent ses estampes.
L'estampe
Shin hanga avec la touche Watanabe
Les sujets rappellent les thèmes de l'ukiyo-e
: de belles femmes, des portraits d'acteurs, des fleurs et des animaux,
des paysages ruraux ou urbains.
Les estampes sont composées en utilisant les techniques de représentation
de l'art occidental : perfection de la perspective, dégradés
de couleurs très élaborés, utilisation du clair-obscur
Watanabe donne naissance à un véritable mouvement artistique
entraînant de nombreux artistes japonais dans son sillage qu'il
recrute comme un chasseur de tête.
Il va aussi faire travailler des artistes étrangers
qui vont se plier avec enthousiasme aux contraintes techniques de l'estampe
japonaise, tels Fritz Capelari (autrichien) ou Elisabeth Keith (écossaise).
Son entreprise est un immense succès et plusieurs éditeurs
se lancent à sa suite dans la production d'estampes de style Shin
hanga.
III
Le mouvement Shin hanga
Le
mouvement Shin hanga prospère de 1915 à 1942 puis,
de nouveau, à partir de 1946 jusque dans les années 60.
A)
les challenges du mouvement Shin hanga
Dans la première moitié du siècle,
la production d'estampes, comme tous les arts au Japon, doit faire
face à 2 énormes challenges.
Premier
challenge : redémarrer après le tremblement de terre de
1923.
Le tremblement de terre de 1923 et l'incendie qui fait rage pendant
3 jours tuent 140 000 personnes et Tokyo est détruite à
70 %. La boutique de Watanabe et ses ateliers sont totalement détruits.
Il recommence à zéro avec ses artistes. Les meilleures
estampes sont redessinées et regravées. Les estampes
imprimées avant le tremblement de terre sont actuellement les
plus chères.
Deuxième challenge : passer le cap de la crise
de 1929 puis de la guerre.
La crise de 1929 ralentit énormément la demande des
clients occidentaux.
Puis, pendant la 2ème guerre mondiale, les matériaux
deviennent rares et la demande fléchit à nouveau. L'image
négative donnée par le Japon à cause de son attitude
politique et militaire agressive ne fait qu'aggraver le problème.
Watanabe décide alors de développer la demande
intérieure.
Toujours dans la veine de son génie entrepreneurial, il teste de
nouvelles techniques de promotion. Il organise, par exemple, des
expositions dans les grands magasins.
Organiser des expositions d'uvres d'art dans les grands magasins
deviendra une pratique courante au Japon tout en restant longtemps
inimaginable en Europe et aux U.S.A.
B)
L'estampe Shin hanga après la mort de Watanabe
Après
la guerre, les affaires reprennent normalement mais beaucoup d'artistes
sont décédés ou ont pris leur retraite.
Avec la mort de Shozaburo Watanabe en 1962, le Shin hanga disparaît
en tant que mouvement artistique mais ses ateliers continuent à
produire grâce à son fils et son petit-fils Shoichiro.
La société d'édition Watanabe et sa galerie sont
toujours en activité à Tokyo. Elles sont situées
dans le quartier de Ginza et dirigées par le
petit-fils du fondateur, Shoichiro Watanabe . La plupart des estampes
vendues sur ce site sont réalisées sous la direction de
Shoichiro.
Artmemo a l'honneur de représenter pour la France
l'éditeur
Shoichiro Watanabe .
Il
est à noter que Watanabe est l'éditeur le plus important
mais qu'il a eu des concurrents brillants, tel Unsodo à
Kyoto ou Doi Teiichi et son fils Eiichi.
Actuellement,
le Shin hanga reste une référence dans le monde
entier comme source d'influence pour les artistes contemporains
qui dessinent pour la gravure sur bois.
C) Les grands
artistes de l'estampe Shin-Hanga
Les
japonais : Hasui Kawase, Shiro Kasamatsu, Goyo Hashiguchi,
Ito Shinshui, Hiroshi Yoshida, Toshi Yoshida, Koitsu Ishiwata, Koitsu
Tsuchiya, Hiroaki Takahashi, Natori Shunsen
Voir biographie
d'Hasui Kawase
Voir biographie
de Shiro Kasamatsu
Voir estampes
d'Hasui Kawase en vente
Voir estampes
de Shiro Kasamatsu en vente
Les occidentaux
Ils ont voyagé au Japon à la grande époque
de production du mouvement Shin hanga et ont dessiné des estampes
pour Watanabe : Fritz Capelari (autrichien), Elisabeth Keith
(écossaise), Charles W. Bartlett (anglais)...
Les artistes actuels influencés
par ce mouvement : Katsuyuki Nishijima, Tomikichiro Tokuriki, Paul Binnie
(écossais), Clifton Karhu (américain)
Bettina
Vannier
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