Une estampe d'Utamaro Kitagawa
(1753-1806)
Titre : Koharu et Jihei
Série : Emulation dans la source de l'amour vrai
(Jitsu kurabe iro no Minakami )
Réédition de 1960
Editeur Adachi (cachet au verso)
Date de la première publication : 1797-1798
Editeur d'origine : Nishimura ya
Etat : couleurs et trait de contour parfait. Léger
pli sur le bord supérieur, voile jaune non uniforme sur
les parties claires. Assez bon état général.
Technique particulière : Les zones laissées
en réserve (non colorées) sont gaufrées (elles
marquent un relief). Le quadrillage du kimono de Jihei est également
gaufré.
Format
oban : 39,4 cm x 26,3 cm (UK208)
Le sujet : départ pour un double
suicide
Kitagawa Utamaro (1753-1806) a dessiné un certain nombre
d'estampes représentant des amants malheureux. Aucune ne
surpasse la série portant le titre Jitsu kurabe iro no
Minakami (Emulation dans la source de l'amour vrai), qui se compose
de 21 planches.
L'estampe la plus connue de cette série
met en scène deux amants, Kamiya Jihei et Kinokuniya Koharu.
Elle représente le " michiyuki ", c'est à
dire, le moment où les amoureux se préparent à
se rendre au Temple Daicho-ji où ils vont se suicider ensemble.
Sous le couvert de la nuit (comme suggéré par le
fond gris), ils se retrouvent. Jihei tient une lanterne de papier
plié. Son voile blanc le dissimule en partie, tandis que
Koharu, son amante porte un voile noir. Elle se tient de façon
à protéger la bougie du vent. Utamaro les a dessinés
dans une pose de communion intime, préfigurant leur sort.
La palette de couleurs restreinte souligne également la
fin proche des deux amants.
L'histoire de Koharu et son amant Jihei est basée
sur des événements réels qui ont eu lieu
en 1720. Kamiya Jihei, 28 ans, est un marchand de papier, marié
qui a deux enfants et qui vit dans le quartier Temman d'Osaka.
Il rencontre Koharu, une prostituée de 19 ans appartenant
à la maison close Kinokuniya. Leur amour impossible se
termine réellement par un double suicide au Temple Daicho-ji
à Amijima.
L'histoire a été adaptée à la fois
pour le théâtre de marionnettes (Bunraku) et le théâtre
Kabuki. La version la plus célèbre est celle du
plus grand dramaturge japonais Chikamatsu Monzaemon (1653-1725)
écrite pour le théâtre Bunraku et mise en
scène pour la première fois à Osaka en Décembre
1720.
Les mariages dans le Japon du 18ème siècle
étaient principalement de convenance. Les histoires d'amour
passionnées (et impossibles) étaient très
populaires chez les habitants d'Edo (ancienne Tokyo). Les hommes
comme les femmes étaient très touchées par
les romans, pièces de théâtres, chansons ou
les estampes romantiques mettant en scène une relation
intense et intime qu'ils ne pouvaient espérer vivre. Les
récits détaillant les rencontres, les moments volés
et les doubles suicides, seule issue possible à ces relations
interdites, étaient incroyablement populaires, incarnant
l'idéal de l'amour romantique.
Le savoir-faire de l'éditeur ADACHI
La maison Adachi, dont le nom officiel est "
l'Institut Adachi de la gravure sur bois ", est spécialisée
dans les rééditions d'estampe japonaises Ukiyo-e
depuis 1925. Adachi est un des éditeurs les plus renommés
du 20ème siècle. Ses estampes sont réalisées
avec un niveau de qualité extrême : respect des couleurs
et restitution parfaite des détails grâce à
un travail admirable de gravure et d'impression.
Les estampes d'Adachi portent toujours son sceau sur le verso.
Les rééditions de Toyohisa Adachi reproduisent quelquefois
un exemplaire original unique, les autres ayant disparus. D'autres
éditeurs en ont fait aussi leur spécialité
comme Enji Takamizawa et Shozaburo Watanabe.
Voici quelques exemples de l'utilisation des rééditions
de ces grands éditeurs par les auteurs spécialistes
de l'Ukiyo-e :
James A. Michener (spécialiste et possesseur d'une des
plus belles collections du monde) se sert d'une estampe de Kuniyoshi
réalisée par Adachi comme exemple dans " the
floating world " car " aucun exemplaire de cette estampe
tragique n'était accessible aux U.S.A. "
Dans l'article de Richard Lane, le plus grand spécialiste
de l'estampe japonaise, au sujet d'une estampe d'Hiroshige (Kambara)
dans le livre de Jack Hillier
" Essays on Japanese Art " en 1982, il est dit : "
le travail récent des 2 chefs de file dans la rééditions
d'estampes Ukiyo-e, messieurs Adachi et Takamizawa, présente
de façon surprenante un intérêt pour notre
étude des originaux ".
Cette estampe est une réédition
ancienne.
Les rééditions sont réalisées avec
les méthodes traditionnelles chez des éditeurs qui
sont à la fois des érudits et des artistes.
Le modèle n'est pas, dans ce cas, le dessin de l'artiste
mais un tirage original d'époque. Un graveur a gravé
les blocs de bois : un bloc de bois pour le trait de contour puis
un par couleur. Le travail de gravure est effectué trait
pour trait.
Ensuite, un imprimeur a encré le bloc gravé portant
le motif de la couleur à poser la première. Il a
imprimé le papier végétal de façon
traditionnelle par application de la feuille sur le bloc encré
et frottage au baren (tampon fait de lamelles de bambou) sur le
dos de la feuille pour faire pénétrer l'encre dans
les fibres. Il a répété cette action autant
de fois qu'il y a de couleurs en pratiquant ainsi de la couleur
la plus sombre à la couleur plus claire.
Ces estampes ont l'avantage d'être identiques à des
originaux qui peuvent valoir actuellement plusieurs milliers d'euros.
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